Raymond Costa a tiré sa révérence en février dernier. Né le 18 mai 1954 en Sardaigne, issu d’une famille de six frères et deux sœurs, il débute son parcours tricolore dans le sillage parentale, à Domène, dans la région grenobloise. Mais très vite il prend goût à la restauration. Une passion qui l’embrigade tout jeune dans le cycle des saisonniers, en station comme dans le sud, mais qu’il exercera jusqu’au bout pour les amis. « On se disputait les fourneaux et ensuite on n’en finissait plus de se chambrer ! », se souvient Hervé, complice du Café. L’affaire de la Place des Lices d’où il rayonnait sur un Saint-Tropez nocturne dont il connaissait tous les rouages.

 

Une Djette nommée Framboise

Une ascension qui ne s’est pourtant pas faite en un jour. Lorsqu’il arrive au Blouch où il fait la plonge à 17 ans, il dort dans sa voiture stationnée à Ramatuelle. Au fil des saisons, il gravit les échelons et croise la route du compère Fred Blanc, qui deviendra son voisin dans son épicerie fine puis au Bistro… « Raymond et Framboise ont pris le Blouch en gérance en 1985 après y avoir travaillé des années comme employés pour Francis Mignoné. Cette première année il m’a nommé directeur de salle et lui était chef de cuisine. Il nous hurlait dessus au passe plats, nous gratifiant de tous les noms d’oiseaux lorsqu’on ne satisfaisait pas à ses exigences. C’est à dire tous les jours ! C’était le spectacle, on l’entendait dans toute la salle. Même les clients n’osaient plus parler au moment du rush du service », raconte encore amusé Frédéric. Francis se prendra d’amitié pour son fougueux cuistot et au moment de passer le relais au restaurant, il lui en confiera la gérance. A ses côtés, une charmante parisienne venue en vacances aux Tournels qui deviendra sa femme en 1978, avant de lui donner trois fils.

Le temps béni de l’époque Blouch

Pour les jeunes de l’époque, l’endroit qui prend des allures de plus en plus festive, devient très vite incontournable. Combien de sexagénaire ramatuellois se remémorent, le sourire aux lèvres, leur époque Blouch avec une Framboise qui joue alors les DJette ! Edgar Pascaud, le propriétaire du terrain, attaché à jamais au Château de Pampelonne, garde également un souvenir « ronflant » du personnage ! «  Je me suis retrouvé avec lui lorsqu’il s’occupait du service traiteur du Rallye de Tunisie. Nous faisions étape de ville en ville et le soir nous nous retrouvions tous à coucher sous la tente, sauf que Raymond ronflait tellement fort que plus personne ne voulait partager la sienne ! L’ambiance était vraiment folklorique, les véhicules tombaient en carafe, etc, mais au final quelle tranche de vie sympa ! », conclut-il avec tendresse.

Grandes heures de la vie locale

La Ratatouille, le Jas d’Alexis et encore bien d’autres affaires suivront, jusqu’au fameux Café dans les années 90 qui marquera les grandes heures de la vie locale. Là aussi un lieu de rencontres et de fête. «  Nous avons accueilli le Club des Stars de Radio Saint-Tropez. C’était aussi la cantine d’Eddie Barclay lors de son dernier été. Et Karl Lagerfeld avait privatisé les lieux pour sa soirée Chanel. Il appréciait cette ambiance à l’ancienne typique du Saint-Tropez qu’il aimait », se souvient Sylvain Costa dont le frère tragiquement disparu n’aura pas eu le temps de reprendre l’affaire familiale finalement cédée récemment pour une nouvelle métamorphose…

« La générosité incarnée »

Avec Hervé, que Raymond embaucha en 2006, l’entente sera immédiate. «  Le premier soir, il m’a dit « Viens on va boire un coup ! ». Et on est parti en bringue. On écumait tous les endroits nocturnes du village. A cette époque je sortais d’un accident. Comme il était un chineur doublé d’un acheteur compulsif, il me ramenait une canne par semaine ! Canne-tête de mort, fusil, épée… J’ai eu droit à toute la collection ! Très vite le patron a fait place à l’ami et nous sommes partis en vacances ensemble. Il s’en passait toujours une et il était la générosité incarnée », sourit l’ex-tôlier du Café. Figure éternelle de L’Esquinade, Philippe Paga, n’est pas en reste tout comme les joyeux drilles Ricou, Luigi ou Michel Calisti. «  J’ai tellement d’anecdotes avec lui ! Souvent liées à nos voyages, comme en Thaïlande lors d’un repas. Luigi était en charge des pâtes et lui avait promis sa spécialité en dessert : le tiramisu ! Sauf qu’après une cuillère on s’est tous regardé… C’était immangeable ! (éclat de rire) On n’a plus arrêté de le charrier avec ça ! Comme lors des contrôles de bagages à l’aéroport. Dès qu’il ouvrait son bagage à main, il en tombait, perruques, boa et autres accoutrements qu’il trimballait pour faire la fête ! ». Le noceur impénitent repose désormais au cimetière marin mais son large sourire et son rire communicatif continuent de planter leurs graines de gaieté au cœur des nombreux Tropéziens qui l’ont côtoyé. …

Raymond Costa: The Spectacular Life of a Saint-Tropez Figure

Raymond Costa took a final bow last February. Born on 18 May 1954 in Sardinia, from a family of six brothers and two sisters, he began his career in France, in the Grenoble region. He soon took a liking to catering, a passion that led him to seasonal work at a young age, both in ski resorts and in the south of France. Then he settled down between Ramatuelle and Saint-Tropez, where he had his own business. After Le Blouch, Ratatouille, Le Jas d’Alexis and many more, he finally run Le Café, Place des Lices, starting in the ’90s. The famous establishment marked the heyday of local life and remains a place of meeting and celebration. “We hosted the Club des Stars program for Radio Saint-Tropez. It was also Eddie Barclay’s canteen during his last summer. And Karl Lagerfeld had privatised the place for his Chanel party. He enjoyed this old-fashioned atmosphere, typical of the Saint-Tropez he loved,” recalls Raymond’s son, Sylvain Costa. In 2006, Raymond hired Hervé and immediately bonded. “The first night, he said to me, ‘come on, let’s have a drink!’ And we went to party. We hit all the nightlife spots in town,” recalls Hervé with a smile. “At that time, I was still injured from an accident. Since he was a bargain hunter and a compulsive shopper, he brought me a cane every week! With a skull pommel, a rifle, a sword… I got a whole collection! My boss soon became my friend and we went on vacation together. There was always a story to tell and he was generosity incarnate.” The incorrigible partygoer now rests in peace in the marine cemetery, but his broad smile and infectious laugh keep spreading joy in the hearts of the people of Saint-Tropez who have known him.