En donnant avec la série Bardot sa vision « romanesque » du mythe, Danièle Thompson ravive également une époque et l’esprit d’un village. Saint-Tropez, qu’elle a connu dès son plus jeune âge dans le sillage de son père réalisateur, Gérard Oury, qui y a fait bâtir sa demeure où justement jadis la « voisine » B.B. venait déjeuner !

Le « phare » BB
Alors que Bardot, la série, a fait les belles soirées de France 2 et poursuit sa vie sur les chaînes du monde entier, celle qui l’a co-réalisée avec son fils, Christopher Thompson, aborde Bardot, le personnage, dont la posture libre continue à jouer les « phares » pour toutes les générations. Danièle Thompson n’occulte pas la presqu’île qui l’a nourrie pour mettre en scène cette héroïne « plus grande que nature », toujours modèle unique dans son genre au sein de son oasis tropézien. Mais dans le domaine animal à présent.

Avec le recul, comment évaluez-vous l’accueil réservé à votre série en mai ?
Danièle Thompson : Magnifique ! J’ai été étonnée car dans l’ensemble les critiques que ce soit sur la série ou la prestation de Julia de Nunez, ont été dithyrambiques, y compris dans une partie de la presse qui généralement ne me ménage pas ! (sourire) J’ai également reçu une énorme quantité de messages. Plus que ce que j’ai pu avoir dans toute ma vie, et ça continue car la série est en replay ! Le petit bémol, ce sont les chiffres d’audience puisque l’on s’aperçoit que l’adhésion n’a pas été si populaire que cela… Notamment auprès des gens plus âgés, ce qui m’étonne. Peut-être est-ce plus une « série de  plateforme » au final.

La saison 2 est-elle actée ?
Ce sera une décision de France Télévisions après un bilan général incluant les replay et les ventes dans le monde. Pour l’instant nous n’avons pas de nouvelles.

Bardot est une figure qui a contribué à faire évoluer la « condition féminine ». La série est-elle un « manifeste » qui va dans ce sens ?
Ce n’est pas sous forme de manifeste que nous avons conçu la série, mais il est vrai que le portrait des femmes dans les années 50, avec en particulier la figure de Bardot qui a donné un coup de pied dans la fourmilière, a beaucoup influencé notre décision de nous lancer ! Cette façon d’assumer sa féminité, sa sexualité, sa « non maternité »… Au-delà du terme « féminisme », très peu employé dans les années 50, on se rend compte aujourd’hui de l’impact qu’elle a eu sur les jeunes femmes du monde entier. Bardot était une influenceuse colossale avant l’heure ! Elle a envoyé aux orties ces représentations de femmes fatales véhiculées par les Rita Hayworth, Marilyn, Ava Gardner… ; qui étaient façonnées par les studios. Débouler avec cette image de femme qui se balade pieds nus, pas coiffée, avec des petits bustiers de rien du tout, a été libérateur. Elle donnait l’impression aux femmes du monde entier qu’elles pouvaient lui ressembler, alors que ce n’était pas le cas avec les autres générations de stars inatteignables, apprêtées jusqu’aux dents. Saint-Tropez est aussi un atout de taille pour la série… Oui car ce village très attrayant rayonne dans le monde entier.

Vous y êtes venue très jeune dans le sillage de votre père. Comment s’est imposé ce choix d’installation tropézienne pour Gérard Oury ?
Toute mon enfance j’ai vu un homme avec des problèmes d’argent. Il était dépensier, joueur… Et puis sa vie a changé en 1964 quand sort Le Corniaud suivi de La Grande Vadrouille que j’ai eu le bonheur de co-signer. Pour la première fois il est à l’aise. Mon père a alors le bonheur absolu de se construire cette maison puisque le terrain acheté à la fin des années 60 était nu. Le choix de Saint-Tropez, c’est grâce à Michèle Morgan qui y passait des vacances avec son petit garçon avant de connaître mon père. Nous avons été de location en location avant qu’il ne réalise son rêve : cette maison toute blanche aux allures hollywoodiennes avec de grands espaces et peu de chambres (Danièle a vendu la villa de son père, les Oliviers en 2019, mais la famille a gardé l’Olive, juste à côté, Ndlr). Brigitte Bardot est venue déjeuner chez nous dans les années 70 lorsqu’elle était mariée avec Gunter Sachs. Elle était proche de Gérard et y est revenue par la suite. Elle en imposait mais de mon côté, je n’avais à l’époque aucune idée de biopic à son sujet (rire) !

Comment décririez-vous « votre » Saint-Tropez ?
J’ai eu quantité de périodes ici au fil des décennies, avec à chaque fois différents points d’attraction sans jamais dire « c’était mieux avant ». Ce n’est pas ma philosophie. Finie les escapades nocturnes, nous évoluons à présent au rythme des Tropéziens sans bling bling et loin de la foule, en nous persuadant que nous y vivons comme cela se faisait il y a cinquante ans. En allant par exemple sur les plages des Salins ou des Canoubiers aux heures où elles sont peu fréquentées… Et puis il y a ici, notre maison familial, au milieu du Capon , dans la verdure, sous les pins parasols qui est mon arbre préféré au monde !

Pouvez-vous partager vos adresses fétiches ?
Le restaurant des Salins, chez Manu, un endroit délicieux où nous avons d’ailleurs tourné des scènes de la série. Sénéquier où il est magique de déguster un chocolat glacé dont je n’ai toujours pas réussi à avoir la recette (rire). Le Café des Arts pour boire un verre, lieu qui provoque des flashes et donne envie de planter sa caméra tant le décors est pittoresque. Je citerai aussi l’Auberge de la Mole qui a gardé cette nostalgie d’une époque. Chez Camille où, en plus de la cuisine, le coucher du soleil est le plus délicieux au monde. J’adore la boutique de Monsieur Rondini que je fréquente depuis le grand-père et le merveilleux magasin de la famille Moreu, Les Galeries Tropéziennes, qui a toujours un goût fou.

Si vous n’aviez pas été réalisatrice vous auriez pu « mettre en scène » les vacances des autres en devenant hôtelière. Quel établissement tropézien vous aurez tenté pour exercer ?
La Ponche de Simone Duckstein que je connais bien (elle apparaît en petite fille dans la série, la plage de la Ponche étant l’un des lieux emblématiques du tournage de Et Dieu… créa la femme, Ndlr). Cette affaire est devenue un endroit au charme fou avec une vue démentielle sur la baie tropézienne. Un tel établissement et cette manière familiale de s’en occuper est effectivement pour moi un rêve d’hôtel !

Quel prochain plan sur les plateaux ?
Rien n’est planifié côté cinéma ou autre… Je suis simplement contente de prendre des vacances après l’aventure Bardot qui m’a donné beaucoup de travail !

Interview with Danièle Thompson “Bardot, the stars of the 1950s & my very own Saint-Tropez”
Reviving an era and the Saint-Tropez spirit, codirector Danièle Thompson delivers an “adventurous” version of the story following the mythical French actress Brigitte Bardot, aka B.B., in a series entitled “Bardot”. Daughter of Gérard Oury, who directed the most famous French comedy movies, Danièle Thompson grew up in the village and used to have B.B., her “neighbour”, coming over for lunch!
In the Bardot series, which was a hit on the French channel France 2 and will continue to be broadcast worldwide, Danièle Thompson depicts the free-spirited nature of the real Bardot, who remains an icon for all generations. She also puts Saint-Tropez under the spotlight as the stage for her “larger than life” heroine. Nowadays, the former actress still has an impact on the world from her Saint-Tropez residence, especially advocating for animal rights.

Bardot is a figure who has helped to change women’s status. Is the series a ‘manifesto’?
We didn’t produce the series as a manifesto, but I admit that the portrayal of women in the ’50s, especially the figure of Bardot, who challenged the codes, had a big influence on our decision to launch this project! Her way of assuming her femininity, her sexuality, her desire to remain childless, and so on… Today, we realise the impact she had on young women all over the world, beyond the term “feminism”, which was hardly used in the ’50s. Bardot was a major influencer before her time! She has shaken the images of femmes fatales conveyed by the likes of Rita Hayworth, Marilyn Monroe and Ava Gardner, all shaped by the movie studios. It was liberating to see this image of a woman who goes barefoot, with neglected hair, wearing simple tops. She gave women the impression that they could look like her, as opposed to the other generations of stars who seemed out-of-touch and gorgeously dressed!

Saint-Tropez is also a major asset for the series…
Yes, because this very attractive village has a worldwide reputation. I personally have several favourite spots there, and we still have a family house surrounded by nature in the middle of the Le Capon area!